Lentement, je me fraie un passage dans la foule. A gauche, une vieille femme qui pleure dans les bras d'un homme plus jeune, et ma gorge se serre.
Droit devant, des jeunes militaires en uniforme qui se donnent de grandes bourrades.
A droite, deux bonzes en robe safran, et trente questions existentielles me traversent l'esprit : "Est-ce que les bonzes prennent l'avion?" "Est-ce qu'ils restent habillés en bonzes?" "Comment ils font s'ils ont réservé un siège juste à côté de celui d'une femme?" "Peut-être qu'ils voyagent en première classe..." "Et les hôtesses?"...
Mais tout ça, c'est de la diversion. C'est pour m'empêcher de trépigner en attendant Eugénie.
Parce que, comme par hasard, l'avion est en retard.
Mais finalement, la voilà.
Eugénie.
Eugénie, c'est la première personne que j'ai rencontré à Sciences po. Le premier jour, quand il y avait des embouteillages dans le grand hall, et que personne n'osait se servir dans les viennoiseries et les cafés du BDE. Le premier jour, quand on marchait en troupeau dans le 7ème arrondissement pour se rendre au cinéma de la rue de Rennes (voilà que j'ai oublié son nom) pour les discours de la rentrée. Le premier jour, quand on ne savait pas encore que la cafét' Crous se trouvait au Gymnase, et que le grand hall s'appelait la Péniche... Le premier jour, quand on était tout intimidés...
Après ça, il m'a fallu un an pour la retrouver, et encore un peu de temps pour devenir amies...
Et du coup, la voir au Cambodge, alors qu'à Paris on se voyait rarement en-dehors de la rue Saint-Guillaume, ça fait bizarre. Mais ça fait aussi terriblement plaisir.
Qu'elle ait fait le chemin pour moi, et qu'elle divise ainsi par deux la durée de notre séparation. Qu'elle vienne voir à quoi ressemble ma vie ici. Qu'elle danse khmer au milieu des étudiants. Qu'elle soit là, avec moi, pour une semaine.
Et quelle semaine !
Cette semaine-là, on a réexploré la cuisine occidentale dans les restaurants hype de Siem Reap. On s'est gorgées de glaces aux parfums exotiques (chocolat, vanille, quand tout ce qu'on trouve à Phnom Penh c'est fruit du jacquier et durian), de petits-déjeûners complets pas à base de nouilles, de barres de Mars.
Là, je crois que ça ne concerne que moi, mais j'ai réexploré ma capacité à faire du vélo. Ca ne s'oublie pas, qu'ils disent. C'est vrai, mais au Cambodge, ça fait mal aux fesses.
Eugénie, quant à elle, a renoncé à son rythme taïwanais. Tout le monde sait qu'entre Taïwan et le Cambodge, il n'y a qu'une heure de décalage. Mais entre Eugénie à Taïwan et le Cambodge, il y a peut-être bien 4 ou 5 heures de décalage quand même.
Je ne suis pas sûre que le récit détaillé de nos pérégrinations à Siem Reap et Battambang vous intéresse, alors je vais me contenter de glisser quelques photos, et laisser la place à la maîtresse des lieux, qui m'a gentiment prêté la clé pendant ses vacances au Cambodge...